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Julian Rachlin en concert avec I'OPL vendredi à la Philharmonie
«Mon devoir est de servir la musique»
Le violoniste veille à explorer les multiples facettes de son art
7 March 2013
Julian Rachlin en concert avec I'OPL vendredi à la Philharmonie
« Mon devoir est de servir la musique »
Le violoniste veille à explorer les multiples facettes de son art
Couronné par le prix «Young Musician of the Year » lors du concours Eurovision en 1988 à Amsterdam, alors qu'il n'était âgé que de 13 ans, le violoniste lituanien Julian Rachlin a été très tôt propulsé au firmament des stars de la musique, en enfant prodige de la musique classique. Toujours au faîte de sa profession, le virtuose poursuit une brillante carrière sur plusieurs fronts, comme il a bien voulu l'expliquer lors d'un entretien avec le «Luxemburger Wort».
• Monsieur Rachlin, 25 ans après le concours Eurovision, quels en sont vos souvenirs?
Comme j'avais à peine 13 ans à l'époque, cela a été une expérience incroyable, vraiment extraordinaire. J'ai eu la sensation de vivre un rêve: jouer dans la magnifique salle du Concertgebouw d'Amsterdam, être présenté à la reine des Pays-Bas, me lancer du jour au lendemain dans une immense carrière internationale ... J'étais si jeune que je ne crois pas que j'étais à même de réaliser pleinement ce qui m'arrivait à l'époque. Il ne faut pas croire qu'il est facile de gérer la situation de devenir célèbre à cet âge-là, je dirais même que c'est plutôt dangereux. Je suis extrêmement heureux de constater que, 25 ans plus tard, non seulement le bonheur que j'éprouve à faire de la musique est resté intact, mais j'ai également pu développer d'autres facettes de mon talent en tant que musicien.
• Vous jouez en soliste aussi bien qu'en tant que partenaire de musicien de chambre, vous dirigez avec ou sans instrument, maîtrisant avec aisance le violon, l'alto ...
Je considère que mon métier est celui de musicien au sens large du terme, et que mon devoir est de servir la musique. C'est pourquoi j'éprouve une grande joie à en explorer les multiples possibilités qui s'offrent à moi. Ça peut être de jouer le violon en tant que soliste, ce qui me permet de tenir la partie mélodique principale d'une oeuvre, ou de participer à une interprétation de musique de chambre, où je me plais à écouter attentivement le dialogue des différentes voix instrumentales. L'orchestre est l'une de mes passions les plus récentes et, bien que je n'aie pas encore beaucoup d'expérience dans ce domaine, j'adore me plonger dans ce monde sonore profond, à la richesse insoupçonnée. Evidemment, le fait de mener autant d'activités de front m'oblige à réfléchir très attentivement au répertoire que je compte couvrir, chaque saison.
• En compagnie de l'Orchestre philharmonique du Luxembourg, vous allez interpréter le premier concerto de Dimitri Chostakovitch. Que vous inspire-t-il?
Bien que je n'aie pas encore enregistré les concerti de Chostakovitch, c'est un compositeur qui me tient particulièrement à coeur et dont j'apprécie l'ensemble du catalogue, ayant joué ses pièces pour violon, pour alto, ainsi qu'une grande partie de sa musique de chambre. J'ai beaucoup travaillé avec des élèves de Chostakovitch, à commencer par le violoniste Boris Kuschnir et le violoncelliste Mstislav Rostropovitch. Mon père étant d'origine russe, j'ai toujours ressenti un lien très fort avec la culture de ce pays. Je pense que Chostakovitch représente un cas à part dans le monde de la musique, car il expose l'une des périodes les plus sombres et tragiques que son pays. Dans sa musique, on perçoit des émotions terribles, une tristesse infinie, un sarcasme cynique ...
• Vous êtes ambassadeur pour l'Unicef depuis quelques années. En quoi consiste cet engagement?
En 2013, l'un des points forts sera notre participation au Festival de Sion, en Suisse, à la tête de l'Orchestre de chambre de Lituanie, au mois d'août, pour récolter des fonds en faveur de cette association. Comme mes tournées me mènent dans le monde entier, il m'arrive souvent de constater que de nombreux enfants sont en état de manque, comme par exemple au Cambodge, aux Indes, en Russie ... Je fais toujours un effort pour me rapprocher des enfants, des jeunes, en allant donner des cours de maître ou en jouant dans des écoles et en m'adressant aussi souvent que possible aux médias pour attirer l'attention sur leurs besoins.
• Comment faire pour éveiller l'intérêt des enfants et des jeunes pour la musique classique?
Je pense que tous les enfants apprécieraient une approche ludique, enthousiaste. Il est vrai que la musique est un art puissant qui possède des racines très profondes, mais je propose à tous les parents d'intégrer la musique classique dans la vie de tous les jours: s'ils ne peuvent pas partager la pratique d'un instrument avec leurs enfants, ils peuvent par contre leur faire écouter de la musique classique à tout moment de la journée, que ce soit au lever, pendant leurs moments de jeu, de repos ... Il me semble également très important de ne pas défigurer les oeuvres de grands compositeurs sous prétexte de les rendre plus accessibles.
• Qu'en est-il de votre festival, le « Julian Rachlin and Friends Festival »?
Malheureusement, ce merveilleux festival, qui s'est tenu pendant douze ans à Dubrovnik, en Croatie, n'aura pas lieu cette année, faute de moyens. Nous sommes à la recherche d'un nouveau lieu pour continuer cette aventure que j'ai lancée en 2001. En attendant, je poursuis mes efforts pour que la musique puisse rayonner dans le monde. En marge de mes activités au sein du Conservatoire de musique de Vienne, j'accepte volontiers de donner des cours de maître en marge de concerts, que ce soit à Athènes, comme la semaine dernière ou, très prochainement, au Brésil...
Interview: Isabelle Trüb
(c) Luxemburger Wort